Coronavirus : les loyers et l’accès aux fluides sous le régime de la loi d’urgence sanitaire
Dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 organisent le régime du paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Elle prévoit que celles-ci ne peuvent encourir de pénalités de quelque nature que ce soit, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, et reporte le paiement des loyers à la cessation de l’état d’urgence.
En outre, le non-paiement des factures de gaz, d’eau ou d’électricité pendant la période d’urgence sanitaire ne peut pas donner lieu à une interruption de distribution et les personnes éligibles au dispositif peuvent bénéficier d’un report de leurs dettes et du rééchelonnement de leur paiement.
Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a prévu que le Gouvernement puisse prendre par ordonnance toute mesure « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie » (art. 11, 1°, g).
1) Les bénéficiaires (art. 1er)
Les bénéficiaires du dispositif sont limitativement énumérés par l’ordonnance, qui vise, dans un premier temps, « les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 . ».
Ce fonds temporaire, approvisionné notamment par l’État, a pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.
Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, les personnes intéressées doivent justifier qu’elles remplissent les conditions requises en produisant une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions prévues par le décret n° 2020-378 et de l’exactitude des informations déclarées.
Elles doivent également présenter l’accusé-réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité ou, lorsqu’elles ont déposé une déclaration de cessation de paiements ou sont en difficulté au sens de l’article 2, 18° du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur (JOUE n° L. 187, 26 juin 2014, p. 1), le cas échéant, une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d’ouverture d’une procédure collective.
2) Mesures relatives aux loyers (art. 4)
Les bénéficiaires du dispositif mis en place par l’ordonnance « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. »
Ces mesures de protection « s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
3) Maintien de la distribution des fluides (art. 2)
En cas de non-paiement de leurs factures, les bénéficiaires de l’ordonnance ne peuvent se voir suspendre, interrompre ou réduire, y compris par résiliation de contrat, la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau.
Par ailleurs, « les fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder au cours de la même période à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées ».
Sont redevables de ces mesures « Les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie » (fournisseurs autorisés à exercer l’activité d’achat d’électricité pour revente aux consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes) ; « Les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code » et « Les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales. ».
4) Reports et rééchelonnement des dettes liées aux fluides (art. 3)
En complément du dispositif précédent, l’ordonnance 2020-316 impose à certains fournisseurs de fluides, d’accorder, à la demande de leurs clients bénéficiaires de ce régime d’exception, et sous réserve que ces derniers attestent remplir les critères pour en bénéficier, « le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (…) et non encore acquittées. ».
Afin d’en faciliter la mise en œuvre, « Ce report ne peut donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités » à la charge de ces personnes et le paiement des échéances ainsi reportées « est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois. ».
Les débiteurs de cette obligation ne sont pas tout à fait les mêmes que pour le maintien de la distribution des fluides (v. supra) : sont ainsi concernés « les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie et les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les entreprises locales de distribution définies à l’article L. 111-54 du même code » (c’est-à -dire « les sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’État ou les collectivités locales détiennent la majorité du capital, les coopératives d’usagers et les sociétés d’intérêt collectif agricole concessionnaires de gaz ou d’électricité, ainsi que les régies constituées par les collectivités locales, existant au 9 avril 1946 et dont l’autonomie a été maintenue après cette date. ») ainsi que « les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales ».